Le Passe Muraille

Un écrivain n’est personne

À propos de Bon à tuer de Paola Barbato,

par Anne Marie Jaton

Ce roman policier, traduit de l’italien en 2018, plaira à tout le monde, et surtout aux écrivains, écrivaillons et aspirants écrivains. C’est en effet dans le monde de l’édition et de la littérature, « sujet délicat, gênant et impopulaire » des émissions télévisées qui lui sont (rarement) consacrées, que se déroule l’intrigue originale de cette dernière œuvre de l’auteure italienne.

Elle révèle les dessous peu édifiants des univers de la communication, le web, les media, la télévision, ainsi que le monde de l’édition où les auteurs sont la dernière roue du char quand ils ne sont pas carrément manipulés, traités comme des marionnettes au nom du marketing.

Pendant que Paola Barbato dévoile l’envers du décor des émissions télévisées, les trucages, les fausses bagarres dont chaque réplique est préparée d’avance devant un public qui sait  comment il doit réagir, quand il doit intervenir et avec quel dosage de trash, l’engrenage de l’audience se grippe : une hostilité primordiale surgit entre deux écrivains qui se confrontent sur le plateau parce que l’un des deux est poursuivi par une infernale stalker qu’il croit d’accord avec son adversaire, et tout se met à dérailler : la littérature et la vie réelle se mêlent et se confondent en une suite de coups de théâtre dont Paola Barbato a le secret.

Rien n’est ce qu’il apparaît, personne n’est ce qu’il dit ou pense être, sauf peut-être le notaire, plutôt jeune et de belle apparence, imprudemment choisi par la chaîne pour son physique avantageux, mais qui se trouvera pourvu d’un surprenant sens de l’honnêteté, lequel contribuera à faire éclater le drame.

En réalité ce sont toutes les données de départ qui seront renversées : les « fans » deviennent des bourreaux, les eaux troubles se révèlent limpides pendant que les eaux noires s’éclaircissent selon une constante de l’œuvre de Paola Barbato : « les êtres humains sont des créatures monstrueuses », et leur monstruosité finit toujours par apparaître… Tous les personnages, sans exception, auteurs et lecteurs, critiques bienveillants (parfois payés pour l’être) et détracteurs professionnels, ont du linge sale à laver et des vérités désagréables à affronter. Sur les médias, sur le monde et surtout sur eux-mêmes…

Avec ce roman, Paola Barbato module sa voix, auparavant plus baroque et foisonnante et courant par instants vers l’horror. Une écriture efficace, drôle et sarcastique par instants, des personnages attachants et qu’on n’arrive plus à oublier.

Paola Barbato, Bon à tuer, Denoël.

 

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