Ce qui est dit au petit enragé…
Suite poétique inédite
par Grégory Rateau
Elle ne ressemble plus à rien
nuit jaunissante où irradie un doux poison
dans l’air déjà hostile
au coin de la rue, des ailes blessées
un fauteuil en cavale si loin de son téléviseur
des chats qui jouent les démineurs
Je reviens d’une région de nulle part
supplier les mains liées, les épaules lâches
ma cellule striée à la belle étoile
nudisme d’une âme à vif
J’ai perdu les mots de ton catéchisme
tout ce prêchi-prêcha oublié
même les chats n’y comprennent plus rien
et par leurs miaulements de sourds
tentent de m’amadouer
Écrire sans respirer à la douceur de ta robe
battue par des vents turbulents
sous la silhouette de mes pairs
je mime la chose sacrée
porté par les derniers tremblements de l’été
quand soudain la courbe de ton sein
dessine un rythme
une seule inspiration et l’ombre se fait
dans le noir qu’entache mon passé
le poème se révèle à son maître
Il jaillit à haute et intelligible voix
avant de s’imposer à lui-même
une minute de recueillement
Pourquoi nier la dette puisque je la traîne
sale gosse livré à toi-même
tu crispes tes deux petites forces
et regarde de biais
toutes les gueules d’édentés
futurs tueurs d’éternité
leurs rires aussi cariés que la fange
incapables de pitié
brisent ton avenir
pour en faire le négoce.
Que lui dire à ce petit enragé
le soir venu bercé dans sa fausse sécurité
rompu tel un esclave
au jazz de la dernière chance
ses cannes battent, cherchent la brèche
même ses chaussures de marque
ne ramèneront pas
sa drôle
sa Valentine.
Quand de nombreuses Saint Valentin plus tard
je t’ai perdu au cœur
de mes horizons de cafard
puis les nuits d’été parfois
quand la rue dansante délivre un air bête
et me fait baisser la tête
je martèle à mon tour les mots rivés à la chaîne
alors je crois les entendre
tes deux petites cannes au rythme de la fête
Les mêmes complaintes du créateur
vers d’autres Bosphore
la vaisselle qui enfle
sous les injures du soir.
Des cris, des assiettes à la volée
c’est sans importance
les couloirs sont là pour s’y lover
épouser les formes du crépi.
Dire tout haut les mots prohibés
ceux qui sauvent
et ceux qui blessent
les partager pour ceux qui restent.
Aujourd’hui à défaut d’y croire
les chaussures forment des tranchées
et toi, dans ta furieuse beauté hurlant de me renier
m’abjure de remiser les vers autrefois désirés
De belles et puissantes fulgurances tout du long de ce texte de braise.