Le Passe Muraille

Michel Butor prof de lettres

En lisant et en écoutant lire  l’écrivain-passeur,

par Pascal Ferret

Le nom de Michel Butor est trop strictement lié, pour beaucoup (et dans maintes histoires littéraires), au mouvement du Nouveau Roman qu’illustrèrent L’Emploi du temps et La modification, alors que plusieurs centaines de titres émaillent la bibliographie de ce grand lecteur, bien plus poète et « plasticien » du verbe que romancier.

Or c’est essentiellement en lecteur-écrivain que Michel Butor poursuit la captivante conversation que relance très discrètement (parfois même trop) Lucien Giraudo, amorcée par une première approche du livre en tant que support en évolution (surtout dans le DVD) et des diverses façons de découper une histoire en tranches et de l’éclairer, notamment par les recoupements de la littérature comparée.

Le ton patelin, semblant hésiter dans son élocution mais pour moduler un discours d’autant plus précis et personnel, Michel Butor excelle dans la démarche consistant à « placer » dans leur contexte historique ou social ou à mieux percevoir leur évolution du point de vue de la langue.

De l’impossibilité, pour Chateaubriand, d’écrire encore des vers (alors qu’il est essentiellement poète), à l’importance du grand magasin à l’époque de Zola, entre cent autres exemples, en passant par la circulation en Europe des thèmes romantiques, nous voyons ainsi comment la littérature ne cesse d’être « brassée » par la société et ses avatars.

Sur le ton de la conversation, qu’on aimerait parfois voir plus développée, ces entretiens supposent cependant une certaine connaissance préalable de la « grande » histoire littéraire, dont ils constituent un possible complément. On passe ainsi « autour » de Proust sans y entrer vraiment (sauf qu’on y entre quand même par une brève lecture), mais Proust est situé comme Apollinaire est situé (par rapport à la Grande Guerre et aux peintres) au tournant d’une nouvelle époque elle aussi située par rapport aux six ou sept siècles qui précèdent.

Original par ses points de vue, Michel Butor l’est aussi par les morceaux qu’il lit (admirablement), comme le prodigieux passage du massacre du grand cerf, dans La légende de Saint Julien l’hospitalier de Flaubert, ou tel autre de Connaissance de l’est de Claudel.

Autre apport appréciable : l’anthologie qui complète le package avec une trentaine de textes constituant autant d’illustrations non convenues, des Cannibales de Montaigne aux Adieux du vieillard de Diderot ou d’un bout de La duchesse de Langeais à La tour Eiffel sidérale de Cendrars. A recommander, particulièrement, à l’automobilistedésireux de voyager en bonne compagnie.

Michel Butor. Petite histoire de la littérature française. Carnets Nord. 5CD + 1 DVD + 1 livre broché.

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