Les derniers jours
D’un de ses amis les plus proches, artiste et écrivain,
Richard Aeschlimann
méconnaissable son bureau
dévasté ainsi
que tous les locaux de L’Age d’Homme à l’abandon
partout des papiers des amoncellements de papiers
des livres en vrac naufragés sur le sol
des rayons d’étagères désertées inutiles
débordantes du vide
d’infinis souvenirs
martyrisés
au milieu de ce démantèlement
ne restaient que le sens et l’amour
des textes lorsque meurt le papier
que beaucoup sont partis
ceux qui furent ses amis et ceux qui n’avaient pas le temps
occupés ailleurs
seule une indomptable volonté veillait
gravée sur son visage fatigué
que les épreuves embellissaient en permanence
dans cette fin du monde Dimitri me parla
des livres à éditer toujours et encore
d’un beau programme de rentrée
des voyages à préparer des cartons à porter
des textes qui consolent des textes qui construisent
des textes qui guérissent
l’inassouvissement des blessures du corps et de l’âme
de la fidélité qui se réfugie dans les livres et dans
les têtes
je devinais sa fatigue
l’ébauche d’un flétrissement mais également cette certitude
non pas d’avoir eu raison
mais d’avoir répondu présent à la vie
oui au destin
une dernière fois
je ne le savais pas encore
il me transmit l’énergie nécessaire
à la création
une confiance déterminée
plus tard il devait partir pour Paris
emmenant avec lui une peinture blessée
intitulée « Résurrection »
nous nous sommes fait la bise et comme
à chaque séparation sans un adieu
nous avons psalmodié notre credo
« Nous les aurons … On continue!»
R. A.
(Chexbres, le 28 juillet 2011)