Le Passe Muraille

Les beaux jours

(Suite autobiographique de Fabrice Pataut) 

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Parodies et simulacres

Ce n’est pas seulement Wynton passes, mais aussi Almost Alaska, Up here in the woods et Beautiful lives, qui restent en friche. Autant d’ébauches qu’il fallait consigner, de pistes qui devaient être explorées mais n’auraient pu l’être avant Aloysius et Demain. Ce sont des tentatives d’écriture pure, faites sans l’expérience du dessin, mises en réserve plutôt qu’interrompues, des tentatives pour lesquelles j’ai chaussé les cuissardes Guerlain. À la différence de La conversion dont les chaussures ont des bienfaits rétrospectifs, leurs mots vont seuls. On est ici tellement loin de la rue de Longpont et du Paris dévoilé par l’incident de la rue Delabordère, des escarpins, des brioches tièdes, des vapeurs bienfaitrices et des lectures lycéennes, que j’ai l’impression de considérer ces projets en l’absence de l’intéressé bien que la progression à découvert et la protection des armures de défilé s’appliquent également à leur cas.

Les deux paires de chaussures — la vert clair et la striée noir et or — sont les pavois de deux vertus opposées mais parentes, de deux penchants ou prédispositions complémentaires. Comme ceux qu’on hisse sur les navires signalent la nationalité, la détresse ou la guerre, leur rôle est d’indiquer un registre, une tonalité et même un choix.

Il y a d’un côté ce que j’ai osé par provocation et goût de l’exagération, de l’autre ce que j’ai caché derrière un simulacre ou une parodie du même excès. « Le banquet » et « Habeas corpus » vont tantôt dans le sens de la démesure tantôt dans celui du simulacre, de même Valet de trèfle, parodique si l’en est. Si j’avance avec retenue alors que la brutalité l’emporte, comme dans « La dernière fois », « Coupelle » ou « Brahms BWV 1016 », réunies dans Le Cas Perenfeld,  c’est souvent qu’une odeur, une texture ou une couleur ont remplacé l’évènement auxquelles la mémoire les a réduit : une odeur de peau dans « La dernière fois », la dentelle décorative d’un plateau à thé dans « Coupelle », le lever du soleil sur le parc Monceau dans «Brahms BWV 1016 ». Cette oscillation entre la chaussure verte et la cuissarde Guerlain vient tout droit du coffre de la voiture écrasée par le mur qui faisait face au 17, rue Delabordère. Un petit incident dévoile une activité de contrebande ; l’inverse de ce qu’on avait attendu était là pour nous, élégant, secret, léger, d’une violence froide et calculée.

Sans doute dois-je retrouver le même balancement dans ces ébauches mises de côté mais, si possible, débarrassé de ses anciens pièges. Le fondement n’a pas changé, ni la lumière des mots. C’est simplement que je me dirige  maintenant vers une nouvelle variation fictionnelle à partir des mêmes éléments. D’un côté l’excès naïf nécessaire au dévoilement d’une difficulté, d’une aporie, d’un dilemme, de l’autre sa parodie ou son fantôme, qui seule peut suggérer une solution. Wynton passes s’y applique avec la trahison, Beautiful lives avec le dépit.

F.P.

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