Le Passe Muraille

La littérature romande à l’égout

 

Genre vieille peau

«La rentrée de la plupart des éditeurs romands est médiocre. A de rares exceptions près, la littérature piétine dans une sorte de fadeur répétitive. Celle qui sort en piles à L’Aire ou à L’Age d’Homme est lourde, confuse et maladroite. Beaucoup d’ouvrages qui paraissent de ce côté-ci de la frontière sont des refus des éditeurs parisiens. (…) Prenez le dernier roman de Jacques-Etienne Bovard. C’est de la prose de maître secondaire qui écrit, c’est terne, précautionneux et plein de dissertations. Quand on compare ça à L’Ogre, je comprends qu’il puisse m’en vouloir comme on en voulait à Ramuz.»

Jacques Chessex
à Thierry Mertenat
Tribune de Genève,
20 février 1999

Genre sale eau

«L’arrivée du printemps a beau nous mettre de bonne humeur, il ne faudrait pas prendre les vessies d’un bricolage à prétention littéraire pour les lanternes d’une quelconque avant-garde. Le Pain de Silence, dernière production d’Adrien Pasquali, n’a rien d’une brioche. On se souvient des remarques de Proust sur la «règle des trois adjectifs» chère à Madame de Cambremer qui, «tenant à pousser trois exclamations, n’avait la force de donner dans la deuxième et la troisième qu’un écho affaibli de la première».

L’auteur aurait été bien avisé d’y penser avant de nous servir le plat indigeste, quoique frugal, de ces «yeux allumés, pétillants et expressifs». Là où il faudrait sautiller, le romancier fait du surplace. Son pain ne lève pas. Il est rassis.

Sur le fond, on ne jugera pas du vécu de l’auteur, qui lui appartient en propre. Mais du simple fait qu’il n’arrive jamais à le constituer en objet littéraire, ce dernier ne nous touche pas. On s’ennuie, on bâille, on referme le livre. Et on se réjouit, sur un thème semblable, de lire prochainement le roman posthume de Georges Borgeaud, un écrivain.

Le moteur à 3 temps d’Adrien Pasquali patine d’emblée, et le lecteur avec. Les deux longues phrases qui constituent son récit n’atteignent jamais à la propulsion romanesque. L’auteur devrait peut-être changer son embrayage. Ou alors, il devrait plus simplement opter pour d’autres véhicules que le roman ou le récit, pour lesquels il n’est visiblement pas fait. Mais ne lui suffirait-il pas de relire le très beau proverbe chinois qu’il place lui-même en exergue de son livre: «Pourquoi parler quand on peut se taire ?»

Thierry Mertenat

à propos du Pain de Silence
d’Adrien Pasquali
Tribune de Genève, 20 mars 1999

Genre petit seau

«Attention texte poétique ! C’est l’étiquette que pourrait porter Au rendez-vous des alluvions d’Alexandre Voisard, paru chez Bernard Campiche. La plupart des 474 pages de l’ouvrage tiennent en effet de l’haïku jurassien.

Le bambou y fait simplement place au sapin, sous lequel Voisard regarde pousser avec émotion la mûre et l’ortie. Voisard rêve aussi beaucoup. Cela donne matière à d’autres ré-flexions, un poil plus longues. Le train, sur les banquettes duquel il observe les plis et replis des voyageuses, mobilise également quelques paragraphes. Il est tout de même permis de se demander s’il fallait autant de place pour imprimer aussi peu de choses.

Avec ses maigres résidus, Au rendez-vous des alluvions ressemble aux agendas qui sont agrémentés d’une pensée par jour. Les Editions Campiche devraient peut-être proposer leurs invendus comme des bloc-notes.»

Etienne Dumont

Tribune de Genève, 20 mars 1999

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