Le Passe Muraille

Des nouvelles de Fabrice Pataut

Un entretien avec Karine Henry, en 2005

En cette rentrée de janvier 2005, paraissent de nombreux receuils de nouvelles en littérature étrangère et française. Ce genre littéraire, longtemps rejeté, s’installe peu à peu. Alors lancez-vous, il y en a pour tous les goûts. Et surtout ne manquez pas Trouvé dans une poche de Fabrice Pataut. Un recueil remarquable, regroupant des nouvelles aux univers étranges et à l’écriture raffinée.

 

Karine Henry: – Après deux romans, pourquoi des nouvelles ?

Fabrice Pataut. – Les nouvelles sont plus anciennes. J’en écris depuis quinze ans. Je ne peux donc pas dire que je suis passé des romans aux nouvelles. J’en écris tout le temps, elles sont comme un laboratoire.

– Quand et comment écrivez-vous vos nouvelles ?

– À n’importe quel moment de la journée, comme certains écrivent leur journal. Quand je commence un texte, je sais d’emblée si ce sera un roman ou une nouvelle. Le texte d’une nouvelle doit être concis et circonscrit. Dans ce recueil, certaines nouvelles sont très courtes,  deux ou trois pages. Ce sont plutôt des poèmes en prose, des miniatures.

– Quelle serait votre définition de la nouvelle ?

– On sent la nouvelle au volume de ce qu’on va écrire. Pour une nouvelle, on est obligé d’ouvrir et de fermer un univers en un temps très court, d’user d’ellipses, de suggérer. Et puis il y a la chute que le lecteur attend — au contraire d’un roman qui peut très bien rester inconclusif. Souvent, j’ai d’abord l’idée de la chute, et tout se construit alors à partir de cette queston : comment arriver à cette chute ?

– Un homme coupe et se fait greffer les mains d’un pianiste qu’il adule, un employé sans histoire se transforme le soir en caissière de cinéma, un jeune garçon désire sa gouvernante qui surveille une vieille femme buvant du sang de taureau, une huître nous raconte ses espoirs mondains… Quel lien fédère les nouvelles de Trouvé dans une poche?

– Il n’y a pas de lien constitutif. Elles ont cependant en commun l’idée qu’à un certain moment de l’histoire d’un personnage, quelque chose dérape et que, soudain, dans son ordinaire, surgit l’étrange.

– Quelles sont vos sources d’inspiration ? Qu’est-ce qui vous fascine dans l’être et son monde ?

– Ce qui me fascine, c’est qu’on puisse arriver dans un temps très court à regarder à distance une série d’événements et à avoir tout à coup un effet de loupe sur un détail qui fait que l’on se trouve amené, à force d’ennui, à faire des choses incroyables. C’est le cas, par exemple, du pianiste et du travesti. Il y a de l’absurde dans leur entreprise. Ce sont là des situations tragi-comiques.

– Cette huître qui raconte son rêve : finir dans un grand restaurant des Champs-Elysées, que représente-t-elle ?

– Le snobisme.

– Perversité et érotisme émanent de vos nouvelles.

– Oui, la perversité est excitante à décrire : il s’agit de réussir à produire un malaise par un travail sur les détails. L’érotisme, c’est également vrai, est toujours plus au moins là, en surface. C’est ce qui fait toute l’ambigüité de ces nouvelles.

– Deux mots pour donner envie de vous lire ?

– Les nouvelles de ce recueil sont pour ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires.

Fabrice Pataut, Trouvé dans une poche. Nouvelles. Buchet-Chastel.

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