Comme un Rembrandt
(Aux Maîtres anciens)
La nuit au grand museau muet,
s’avance en lent silence
entre les tombes et les bombes,
sans se blesser dans les rochers,
aux clochers effondrés,
ni récuser l’énorme bruit
de tout le bataclan
que la vie arrache à la vie…
La nuit broyeuse au grand sourire
d’amoureuse édentée,
te regarde dormir
ou classer tes monnaies antiques
en regardant ailleurs –
le Grand Ailleurs, disait-elle ironique
en visant le Faiseur…
La nuit convulsive d’un Bosch,
ou d’un Goya camé
aux effluves de tequila,
s’agrippe à vous de ses caresses
et de ses dents vous blesse,
vous fait soupirer à confesse
et de votre tréfonds remonte,
épurée par la liesse ,
la douce et sainte incantation
d’un Rembrant en sa ronde …
Il y a sous le secret d’un tableau, plus qu’un dessin, un poème caché. Du Christ dans la tempête à La ronde de nuit, le clair obscur des mots caresse les effluves nocturnes que le poète aime à filer dans le regard porté. De cet embrasement que le poème consent au travers des époques pour lier le moderne à l’ancêtre classique naît la voie lactée que l’art en ses formes multiples consent à ouvrir aux humains. Pour peu qu’on s’y attèle le poème propulse tout au travers des âges et dans les strates déposées, ses mots barrés de maux. Siècle après siècle, la beauté s’y découvre, la beauté, la justesse et le sens. Et dans la » nuit broyeuse » au non sens d’aujourd’hui, plaise à Dieu s’il en est, de nous laisser saisir à la « douce et sainte incantation », de nous laisser aller pour mieux partir, en beauté je le veux, et de se dessaisir de « tout le bataclan que la vie arrache à la vie ».