30 pièces froides
L’inédit abécédaire de Quentin Mouron
Absente
Ton absence
Blessure sans effusion
Ouverte pâle
Qui ne tue ni ne se referme.
***
Assis
Là, assis
Sur le sable sec
– Engloutis.
***
Bonheur
Il n’est de bonheur
Que pour ces figures
À l’arrière-plan
Immobiles – insignifiantes.
***
Bribes
Bribes de lumière
Sentiments inachevés
Rayons intermittents
Refroidis.
***
Cigarette
Ta cigarette
Quasi éteinte
Brûle encore
Un instant.
***
Cocu
L’amour du travail
Par lequel le monde
Te fait pousser
Des cornes.
***
Conseil à moi-même
Réinventer
Sans croire
Aux vertus
De l’invention.
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Désaccord
L’odeur de la mer :
Violente, suffocante
Désaccordée.
***
Dix-huit heures
Dix-huit heures.
La mer recrache sur le sable
Ses entrailles molles
– Et l’écho de ton rire.
***
Ensablés
Les ensablés savent le prix
De la lumière
Et la pauvreté
Du sentiment.
***
Exorcisme
Une mélancolie dense
Comme une crotte de nez
Qu’on arrache
– Et qu’on mange.
***
Fin
Sable sec
Larmes fines
Coquillages clos
Sur nos échos
– Lointains.
***
Fin de journée
De la joie comme des morceaux de viande
Des éclats réguliers de rire et de sang
Les palpitations rouges de la fin de journée
Ton reflet sur la lame d’un couteau de boucher.
***
Fragiles
Lieux communs :
Dernières passerelles
Entre les derniers hommes
Fragiles.
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Fumée
Elle ne fume plus que
Par goût de la cendre
– Elle s’éteint.
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Galets
Se coucher sur une plage de galets
Devenir cette plage de galets
S’oublier – et t’oublier
Enfin.
***
Image
L’image n’explique
Ni ne fait ressentir
Elle est posée
Là.
***
Jus
Le jus d’orange pressé
Et le soleil acide
Des dimanche matin
Sans colorants.
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Limon
Ton cœur : limon tiède
Où brillent encore les débris
D’un soleil
De fin d’après-midi.
***
Marées
À marée basse :
Nos pas.
À marée haute :
Notre mémoire.
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Pâtés
Faire des pâtés de sable
À marée basse
– Entasser les inconséquences.
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Passé
Ensevelissement
Que les saillances
Imprécises
De ton souvenir.
***
Piège
Ton absence hante
Cette chambre et
La change
En piège.
***
Rencontres
S’étendre contre le sable
Inhumain. Rester enfermé
Dans son humanité.
Les rencontres n’ont jamais lieu.
***
Ratures
Nos ratures noires
À l’encre lourde
Laissent deviner tout
Ce que nous aurions pu.
***
Reflux
Le reflux laisse
Sur le sable des stries
Et l’odeur d’un cadavre
Amoureux.
***
Requiem
L’inventaire :
Passion d’un siècle
Mort.
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Théodicée
« Tout pour faire un monde »
Sagesse des terrasses
Le dimanche matin
– Théodicée et croissant chaud.
***
Toi
Le rire remonté
Des terrasses ivres
Et forcées.
– Je t’imagine.
***
Vin
Verre de vin
Sur le sable blanc
Du samedi matin
– Absorbé.
Peintures: @Peter Doig
J’aime…
Les mots sonnent, l’émotion se donne!
Merci