Le Passe Muraille

Une alchimie du bonheur

 

À propos de Boston blues de Jean-François Duval,

par Jean-Bernard Vuillème

Ils sont rares les livres qui font du bien, simplement du bien, qui réenchantent ce monde fatigué d’avoir tant vécu, tué, joué, énoncé ses malheurs, tant écrit et tant lu, tant parlé, en somme, que nous serions gagnés d’un épuisement de sens et des sens. Avec son Boston Blues, Jean-François Duval procure quelques heures de lecture heureuse, je veux dire bonheur d’une écriture doublé du bonheur en soi qui en émane. On y respire bien, voilà tout, comme dans ces moments trop rares (forcément) où l’on se sent bien calé dans ses pompes, dans son corps et dans sa tête.

Non, cela n’a rien à voir avec de la littérature à l’eau de rose, happy end et tutti quanti, Duval ne s’est sûrement pas donné pour mission de procurer du bonheur et de remonter le moral des troupes. Ceux-là ont tôt fait de flanquer le bourdon à cheval sur leurs clichés et leurs flatulences lyriques. Donc pas d’optimisme à quatre sous dans ce  Boston Blues  sous-titré routes de l’inattendu. Ce livre échappe aux genres. Il a quelque chose d’un roman dans sa structure dictée par un narrateur (en qui il n’est pas audacieux d’identifier un double de l’auteur) campant dans un bar de Boston et racontant ses histoires de voyage à un consommateur insatiable, comme une grande oreille jamais rassasiée, non de manière linéaire, mais selon ses humeurs, ses émotions, ses élans de mémoire, et nous transporte comme à côté de son auditeur aux quatre coins du monde, là où l’inattendu (jamais l’exotisme) l’a fait plus vivant, plus disponible, plus attentif qu’il le serait à Genève, chez lui. Cela tient aussi de la chronique sans en être une (le journaliste Duval ne nous fait pas le coup des coulisses de ses grandes interviews et grands reportages), ou alors ce serait une sorte de supra chronique des rencontres qu’il ne pouvait ni prévoir, ni préparer, tout ce pourquoi il n’était pas venu mais qui est advenu, le sel même de l’existence.

Ce Boston Blues» est balancé d’une plume sobre, toute de finesse, d’élégance et de sensibilité, ciselé avec un métier si sûr que le naturel est toujours présent au rendez-vous des phrases. Peut-être manque-t-il un gramme d’audace, de ci de là un coup de griffe dans le voile de la pudeur pour que l’ inattendu prenne toute son épaisseur et vienne un peu troubler l’heureux lecteur.

Jean-François Duval, Boston Blues, Routes de l’ inattendu, Editions Phébus, Paris 2000, 183 pages.

(Le Passe-Muraille, Nos 47-48, Juillet 2000)

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