Un labyrinthe harmonique
Armand C. Desarzens, enlumineur de la gravure,
par Pascal Ferret
Grâce à lui les mots des poètes se mêlent aux nébuleuses. L’infiniment petit qu’il explore en le ciselant au burin devient aussi bien, sous nos yeux, comme un ciel inversé où les poussières d’étoiles tourbillonnent, et cela vrombit en musique tandis que, sur de petites banderoles accrochées aux queues des comètes ou des satellites, se déchiffrent tels vers de Guillevic ou de Bonnefoy, de Borne qu’il aime entre tous ou de Darwich qu’il vient de découvrir.
« La poésie me parle beaucoup, avec elle j’ai le sentiment d’exister », dit Armand C. Desarzens avec une reconnaissance qui n’a rien d’affecté, tant il est vrai que la poésie, les livres et la poésie, la musique et la poésie, sa compagne et la poésie, sa sculpture et sa gravure que n’a cessé de traverser la poésie font partie chez cet artiste d’un processus vital qui l’a aidé à exorciser une enfance massacrée. Passons sur nos misères, mais lui qui était interdit de lecture en son adolescence invite aujourd’hui les poètes dans ses jardins suspendus et ceux-là lui confient de petits inédits qu’il saisit au vol et fait rebondir sous forme de formes et de couleurs et d’images et de nuées de rêveuse matière — le mot ne s’illustre pas mais se ressent au plus profond et se change en visions oniriques —et cela nous parle à notre tour.
D’avoir lu un jour, en exergue d’une exposition de Fautrier, les mots « Seul, désespérément seul », et de s’être ainsi senti moins esseulé; d’avoir été adoubé, au tournant de la trentaine, par le maître Albert Edgar Yersin, dont il est assurément l’original héritier; d’avoir toujours pressenti le mystère dissimulé sous les apparences, et de n’avoir jamais cessé d’être préoccupé par la mort et la divinité — tout cela aura fait d’Armand C. Desarzens ce créateur subtilement ingénu et compulsif, visionnaire obsessionnel d’un labyrinthe harmonique où tout n’est plus que résonance.
P.F.