Le Passe Muraille

Le grand air du redilemele

Après L’amant qui a fait entrer le chic littéraire parisien dans les grandes surfaces, la diva Marguerite, Duras en Castafiore, remettait ça devant son miroir, en mai 1991. Poses et tics àl’envi. Reflets de reflets. Garçon, un pastiche!

par JLK

En cas d’article sur le livre recommencé, montrer que l’enfant a pleuré. Que très fort elle a pleuré l’enfant qui n’avait pas de nom dans le premier livre, et que très fort aussi, l’enfant, elle a joui dans la chambre ouverte avec le Chinois.

Très fort que l’article dise que le Chinois à la main chinoise (la main magnifique qui a la grâce d’un oiseau mort) a lui aussi pleuré de ses yeux fermés comme dans les films (en cas de film montrer les yeux fermés), juste avant de prendre l’enfant dans la chambre dont le premier livre faisait sentir (très fort) que la ville était si proche qu’on entendait son frôlement contre les persiennes comme si des gens traversaient la chambre.

Mais d’abord l’article sur le livre recommencé devrait montrer quelques images du livre sans rendre compte du récit que seule la voix du livre (du livre recommencé et de l’autre), la voix aveugle, la voix sans visage, la voix silencieuse serait jamais à même de moduler.

Alors l’article dirait Sadec en Indochine. Dirait 1930. Il dirait Mékong l’article. Il dirait Madame française et le lecteur (en cas de lecteur) saurait très fort que ce serait la mère de l’enfant. Il dirait Paulo l’article, le petit frère différent que l’enfant aime plus que tout, Paulo battu par son grand frère que l’enfant détesterait au point de le faire mourir (très fort) dans ses livres, plus tard. Puis il dirait Morris Léon Bollée l’article et le lecteur reconnaîtrait (de l’autre livre) l’auto du Chinois grande comme une chambre de Grand Hôtel et l’article dirait aussi (très fort) la magie de ce pays indécis, de ce pays d’enfance, de ces Flandres tropicales à peine délivrées de la mer.

Enfin en cas d’article sur l’article, il faudrait qu’il montre fort, l’article sur l’article, ce que l’auteur (très fort) a voulu montrer en montrant avec le livre recommencé ce qu’il y a de plus fort dans l’autre livre: tout l’ouvert du désir et de la douleur.

Et l’article devrait pleurer. Il se mettrait à rire l’article. Et l’article sur l’article dirait: je vous aime tellement que j’ai envie de vous quitter. Alors la caméra (en cas de film) se braquerait sur la fin de l’article sur le livre recommencé et dirait: ça ressemble à une douleur.

Et l’article sur l’article au bord de pleurer (on voit l’enfant quitter le Chinois après avoir pleuré et joui comme le Chinois a pleuré et joui du plus fort de ses forces) sangloterait à son tour: une douleur, oui, et elle ferait mal.

Et l’auteur du livre et du livre recommencé et du film et de l’article sur le film (en cas de film) écrirait en riant et elle pleure: souvent les douleurs elles font mal…

Marguerite Duras, L’amant de la Chine du Nord. Gallimard, 237 pages.

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