Le Passe Muraille

Le Centre retrouvé, de Ramuz à Faulkner…

   

Un éditorial du Passe-Muraille datant d’Avril 1997, plus actuel que jamais…

par JLK

Lorsque nous sommes fâchés contre Paris, nous parlons de parisianisme en désignant un certain esprit de clocher qui relève en somme du nombrilisme provincial. Notre plus récent emportement de ce type date de la dernière saison littéraire, bien médiocre au demeurant, où l’on vit les ténors de la presse littéraire parisienne porter aux nues ce livre-gadget que nous a paru Truismes de Marie Darrieussecq, avec une sorte de jobardise typiquement… provinciale.
Maintes fois, en outre, à l’écoute du Panorama quotidien de France-Culture, sommes-nous tentés, nous autres qui hantons les ténèbres extérieures de la francophonie, d’abonder dans le sens de ce que disait Céline à la fin de sa vie: «La France n’est pas plus importante dans le monde, aujourd’hui, que le département des Deux-Sèvres, mais elle continue de parler comme au temps de Louis XIV»…

Cela dit nous continuons de répéter dans la foulée de Ramuz: «Paris est au centre de nos esprits, au centre de notre cœur, au centre de nos souvenirs.» Nulle schizophrénie en cela, mais la reconnaissance d’une de nos sources de culture et de langue, sans lesquelles nos particularismes ne seraient que folklore.
Mieux que personne, le même Ramuz a marqué, dans Raison d’être, ce qui élève un projet littéraire au-dessus du provincialisme. Ainsi disait-il qu’«on ne va au particulier que par amour du général», signifiant «par général ce qui est vivant pour le plus grand nombre» et ajoutant que «l’abstraction est idées» tandis que «le général est émotion».

Il est un provincialisme actuel du grand nombre, et Ramuz le premier le récuserait, parce que sans émotion. De même récusait-il tout chauvinisme local à l’instant même de déceler l’universel sur la tête d’épingle de sa province aimée.

Provinces aimées ! Faulkner grandit-il d’être reconnu à Paris ? L’Albanie de Kadaré attendra-t-elle la Foire de Francfort pour exister ? A ce taux-là, comment ne pas rêver de disparaître avec Onetti ?

Or précisément, voici le centre du monde retrouvé. Ou que nous lisions, en notre chère province de Paris ou de partout, cette voix unique de l’exilé de nulle part nous unit dans la nuit: Laissons parler le vent…

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