Le Passe Muraille

La tragédie au coeur

À propos de Palestine d’Hubert Haddad,

par Pascal Ferret

Un sentiment de plus en plus oppressant, quasi physique, assorti d’une angoisse omniprésente, saisissent le lecteur de ce roman-labyrinthe très dense et intense, dont le jeune protagoniste, Arabe de Jérusalem sous l’uniforme de Tsahal, se trouve pris dès la première séquence dans un engrenage fatal.

Attaqué par un commando de factieux palestiniens, il est blessé et dépouillé de son uniforme et de son passeport avant que ses agresseurs ne soient tous massacrés. Il se prénommait Cham jusqu’au moment d’être recueilli par une vieille Palestinienne aveugle qui voit en lui le sosie de Nessim, son fils disparu. Il sera Nessim aussi pour Falastin, la fille de l’aveugle qui le soigne et dont il tombe follement amoureux.

Plus mûre que Cham-Nessim, Falastin entretient un espoir de pacification proportionné à l’horreur qu’elle a vécue lorsque son père, leader d’un front démocratique, est mort à ses côtés dans un attentat. Cham-Nessim l’Israélien pris pour un Palestinen sera planqué et piégé une seconde fois après une folle fuite,au lendemain d’une nuitavec Falastin scellée par une effusion momentanée que le retour au réel empêchera de s’incarner dans le temps à venir. L’espoir, porté par quelques femmes de bonne volonté, et quelques hommes, semble repoussé par le dénouement du roman, où le désespoir de son frère suicidé rejaillit sur Cham; mais l’avenir de la Palestine excède les destinées sacrifiées.

Si la tragédie du conflit israélo-palestinien est ressaisie avec une foison de détails – au milieu d’une nature survivant dans le quadrillage des murs et des check-pointsde l’arrogance humaine, – qui valent tous les reportages, les péripéties de Palestine valent autant par leur résonance émotionnelle que leur valeur hautement symbolique à de multiples égards. L’écriture incisive, mais très sensible et sensuelle à la fois, qui tire parfois le roman vers la fable ou le conte poétique à l’orientale, cristallise enfin lemessage d’humanité et la beauté nullement esthétisante de ce roman réellement engagé, au sens le plus profond de l’expression.

P.F.

Hubert Haddad. Palestine. Zulma, 152p.

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