Le Passe Muraille

Divide et impera

L’affaire George Floyd ou la rencontre mortelle

d’un abruti blanc armé et d’un abruti noir désarmé

Rorik Dupuis Valder

13/06/2020

Allez, nous voilà repartis, plutôt que vers la lutte des classes, dans l’éternelle lutte préfabriquée des races, à en juger aux diverses manifestations plus ou moins inspirées à travers le monde connecté, et à la floraison précipitée de consciences antiracistes chez des millions de jeunes gens désireux de se dégourdir quelque peu les jambes après deux mois de captivité sanitaire, ceux-ci ayant sagement pris le soin, par souci d’intégration sociale primaire et d’uniformisation idéologique obligatoire, d’actualiser leur bandeau d’engagement virtuel « Je suis Charlie » — pour ceux qui avaient un peu de retard — contre l’oppresseur islamiste ou « Stay home » contre l’oppresseur viral, en « Black Lives Matter » face à la menace blanche.

Inévitablement, derrière le drame individuel et humain du fait-divers en question (quand s’intéressera-t-on, avec une ferveur proportionnelle, au sort abominable de ces milliers d’enfants disparus, raptés, loués, vendus, victimes de prédateurs organisés et proxénètes de l’horreur autant que de l’Institution censée les défendre et protéger ?), c’est bien une énième machinerie oligarchique anti-fédérative au possible, radicalement anti-populaire, conçue de toutes pièces par les agents du chaos testamentaire en coulisses — les mêmes prophètes de la mort qui, il y a quelques semaines encore, terrorisaient le monde à coups de chiffres de contaminés au COVID-19 —, via une politique publique malsaine et incompétente de la délation et de l’émotivité plutôt que de la raison et de la réflexion, dont il s’agit là.

Pour qui sait observer, le langage du corps ne trompe pas, et il est sans doute le plus éloquent : l’on croit rêver — du moins lorsqu’on attache une importance raisonnable au principe de représentativité et à la fonction présidentielle —, à la vue de « personnalités » politiques s’agenouillant devant… devant quoi, au juste ? Ce geste extrémiste et lourd de sens, qui engage la verticalité même du corps décisionnaire, n’a évidemment rien d’anodin : au-delà du cérémonial publicitaire grossier proposé pour calmer les esprits échauffés en leur montrant la patte blanche de la bien-pensance antiraciste, il signifie, ex opere operato, la soumission terminale d’hommes d’État au pouvoir occulte des lobbyistes et ingénieurs sociaux à l’origine de cette nouvelle guerre civile que personne ici-bas n’a jamais voulue : divide et impera, la recette ne date pas d’aujourd’hui et il semblerait que beaucoup souffrent d’une méconnaissance impardonnable de l’Histoire.

Qu’est-ce que « l’affaire George Floyd », cet Afro-Américain — au casier judiciaire manifestement bien fourni, la précision n’ayant spécifiquement rien de partisan ! — mort étouffé sous la masse porcine du WASP de service, frustré et dopé à une mauvaise testostérone — lui aussi habitué de l’excès de zèle —, sinon la rencontre malheureuse entre deux mondes voués à l’échec ? D’un côté, celui de la petite délinquance paresseuse et communautariste comme moyen d’affirmation et de subsistance, et de l’autre celui de la criminalité en costume d’autorité ? 

Car en réalité, le seul drame de cette affaire ne serait autre que la polarisation idéologique malhonnête et l’appropriation politique, via le prisme ancestral du bourreau et de la victime devenant par facilité le schème fallacieux du persécuteur et du martyr, d’un fait-divers de violence malheureusement trop ordinaire, attisée par un média fondamentalement belliciste ne cessant de soumettre ses victimes les plus vulnérables — ses téléspectateurs les plus incultes ou les moins imaginatifs — à l’inévitable dilemme protéiforme, scandaleusement réducteur et mensonger, du méchant et du gentil, du Noir et du Blanc, du Juif et du Nazi, et cætera. 

Alors, quel rôle préférerez-vous tenir au cœur de ce faux combat idéologique hollywoodien, dont le seul pendant viable devrait décemment être, à tous points de vue pour quelque évolution ambitieuse de l’espèce, celui de l’élégance contre la vulgarité ou du productivisme contre le parasitisme ? 

Gendarme ou voleur ? Démocrate ou républicain ? La bonne blague ! Immanquablement, l’entretien de tous ces systèmes archaïques de pensée binaire tendra à faire les affaires d’une multitude de « troisièmes larrons » aux commandes, que notre paresse analytique combinée à l’effet palliatif d’une propagande culturelle nous empêchera d’identifier franchement et solidairement. 

Le noir comme le blanc, par la violence de leur abstraction, restent parfaitement identifiables de tous, ils ne sont pourtant statistiquement que deux extrémités minoritaires : le monde se jouant au cœur d’une infinité de nuances de gris. Seule l’éducation au courage de l’observation et à la sensibilité esthétique permettra l’appréciation de ce spectre-là. Nous radicaliser, par le théâtre et la frustration, c’est nous priver d’éducation. Et ainsi, nous déposséder de la liberté de vision d’un gris multiple et variable, celui qui fait la richesse des créations et non la nécessité des destructions. In medio stat virtus : la vertu se situe au milieu. Et le milieu est vaste ; aussi vaste que l’est l’espoir ou la beauté de l’union.

Le raciste criminel évolue, autant que l’antiraciste criminel, pourvu que l’on entende consciencieusement, et pacifiquement, leur apporter les moyens réflexifs nécessaires, en suscitant équitablement chez l’un comme chez l’autre un engagement commun en faveur de l’harmonie et de la justice populaires, ce qui ne semble visiblement pas au programme de nos élites dirigeantes habituées aux manœuvres socio-politiques les plus clivantes et abêtissantes, par goût du sang et du spectacle. 

Salus populi suprema lex esto : qu’a-t-on fait de cela ? Eh bien, guerroyons et légalisons au nom du sacro-saint progrès, au nom de la démocratie sodomienne, gouvernons par le caprice et l’absurde, avec l’incompréhension comme moyen de sujétion massive, balayons l’idée totalitaire du salut universel et de l’héritage, du peuple et de la nation, pour la flatterie vénale et partisane des tribus ; réformons encore, en faveur de minorités plébéiennes opportunistes qui ne feront malgré elles que servir les intérêts exclusifs et confessionnels de minorités patriciennes agissantes : corruptissima re publica plurimae leges.

L’homme est un être heureusement complexe, changeant, multiple, parfois paradoxal, à l’image de l’amusant folklore polythéiste de l’Antiquité — d’aucuns affirmeraient nonchalamment que le monothéisme constitue en cela la plus grande arnaque politique de l’Histoire… — et son seul salut provient de la confiance qu’il daigne s’accorder à lui-même, confiance rigoureusement indispensable à la bonne santé de la collectivité. L’on pourrait appeler ça l’exigence. Ou le sens de l’honneur — l’honneur qu’il lui reviendrait généreusement de faire, par un effort intime et assidu, à l’intelligence dont la nature l’a pourvu. Nous n’avons pas à avoir honte de notre exigence : pensons ! Pensons personnellement, laborieusement, unanimement, contre nos maîtres véritables, pour notre affranchissement commun. Sapere aude !

« Ni Dieu ni maître » est une formule qui me convient tout à fait, car elle est sans doute la plus pacifiste et la plus ambitieuse d’entre toutes, pourvu que celui qui ose se l’approprier ait au préalable acquis la sagesse nécessaire à sa bonne application…

Enfin, sauf quelques irréductibles fauteurs de troubles professionnels et autres petits bourgeois antifascistes désœuvrés, les gens ne sont pas dupes : la sempiternelle et exaspérante supercherie politico-médiatique du conflit comme nécessité ne suffira plus pour déplacer la colère profonde — en substituant artificiellement le privilège aristocratique à celui d’une prétendue hégémonie blanche — d’un peuple historiquement multicolore qui n’aspire qu’à vivre en bonne intelligence et subvenir à ses besoins. Après tout, que deux abrutis décident de s’étriper, pourquoi pas, mais qu’ils le fassent au moins à armes égales, et sans nous mêler au spectacle lamentable de leur laideur criminelle. Qu’on respire un peu.

Moi, abominable colon franco-germanique (double blasphème idéologique !) décomplexé en terre royale de Nubie, aux côtés de l’un de mes chers amis autochtones, avec qui il m’est toujours un réel plaisir de partager savoir-faire, musique, coutumes et mots d’esprit, avec qui il m’est un bonheur rare d’échanger, de naviguer, jouer, construire, passer simplement le temps, en compagnie de cet être de paix et de lumière, d’une finesse et d’une loyauté admirables, qu’il conviendrait donc phénotypiquement d’abriter sous la bannière honteuse « Black Lives Matter », je me dis, sans doute trop naïvement, en considérant le cadavre héroïsé que l’on entend nous offrir comme nouveau martyr télévisuel, cette masse négroïde tragiquement manipulée, nourrie à la culture de la transgenèse commerciale et du vulgarisme délictueux de tradition, que l’affirmation d’une potentielle prise de position serait définitivement faire, à mon tendre et fidèle camarade nilotique, la plus intolérable des offenses.

 

 

Je me dis encore que nous pourrions tout à fait, nous aussi, si nous en trouvions le temps ou le besoin, nous montrer impatients face à l’injustice, à la différence que ce ne seraient pas les statues de négriers du XVIIIe siècle que nous éclaterions à terre, mais bien tous les fauteurs de guerre civile contemporains démasqués, quel que soit leur taux héréditaire de mélanine, de crétinerie ou de perversité. Sauf que nous n’aspirons, nous, qu’à une chose : la tranquillité.

 

Oui, à la vue, comme tant d’autres, de cet irresponsable « responsable politique » — dont j’ai dû rapidement oublier le nom et la fonction —, au visage barré d’un masque de tissu noir, accessoire de mode dystopique scandaleusement assorti au complet de marque, sanglotant cérémoniellement à genoux, tel un gosse faisant le deuil de son chien, devant le cercueil rutilant aux allures de Rolls-Royce morbide, d’un inconnu mi-victime mi-délinquant, tué par un flic qui ne représente que sa propre perversion — parmi une évidente majorité de flics endurants et consciencieux —, et n’ayant a priori rendu aucune espère de service notable à la collectivité, je me dis enfin qu’il y a de sérieuses raisons de s’inquiéter de la santé de l’humanité. Personnellement, je ne peux que me féliciter de me trouver loin, très loin, de toute cette lamentable comédie sociale, où les chefs d’État ont l’air de putains et les héros de petites frappes arrogamment incultes et parasitaires. De la part de mon ami nubien.

R.D.V.

Peintures: Louis Toffoli.

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