par Fabrice Pataut

Il faut sans cesse tourner à gauche, mais pas trop, on risquerait d’aller  en rond, ce serait une mauvaise chose, donc à un moment donné, procédez droit devant sans plus vous poser de questions et vous tomberez sur Monte Verità, nourri, chemin faisant, de pissenlits amers et d’eau de source sans aucun goût que vous aurez bue à la gourde le nez en l’air en contemplant l’azur, celui-là-même qui hier ne disait pourtant rien qui vaille, rapport au bleu de prusse dans le coin inférieur droit et au jaune pisseux dans le supérieur gauche, très impertinent, façon camouflet, au point que vous aviez pensé rebrousser chemin —ah non non, surtout pas de jaune de cette tendance, qui plus est avec tous ces nuages parallèles, prétentieux, jupitériens—, ce n’est pourtant pas votre genre, mais bon… si jamais ça risquait d’être pareil en fin de journée, faites ni plus ni moins fi du fourbi et lancez le pied comme on fait d’un caillou, en avançant encore pour ne pas le perdre car vous le savez très aidant, ledit caillou, meilleur qu’un auxilliare agrégatif et compassé ; le caillou se fait petit mais, pouf ! quel soutien au moment le moins attendu, c’en est vraiment délicieux, il vous indique que la musique des guitares et des tambourins vient de dernière la colline, que c’est d’ailleurs la dernière, que vous arriverez en bas de l’autre versant sans avoir perdu votre souffle, qu’il y aura du thé noir dans le samovar et des kouglofs sur les petites assiettes à bord bleu roi, donc j’insiste, faites fi du fourbi, montez le coteau et à vos yeux ébahis il y aura au verso, suite au recto, au bout du caillou qui descend la pente, Monte Verità en pleine gloire avec ses gens déshabillés, enturbanés, pieds nus dans l’herbe ; il fera un peu froid, tant pis, vous serez je vous l’assure rasséréné par tant d’ingéniosité clairvoyante. C’est tout dit. En route !