Le Passe Muraille

Notes de survie

À propos des Carnets d’oflag de Georges Hyvernaud

Georges Hyvernaud n’était pas le genre d’homme à se payer de mots. Ses phrases sont de celles qui nous font sentir à tout moment l’os de la réalité. Ainsi écrivait-il, en 1941, à Grossborn, dans le quatrième de ses huit carnets de prisonnier de guerre. «Le lit, l’escabeau, l’écuelle — mais la grande misère ne vient pas des choses. Elle vient des hommes.»
Et pour illustrer ce constat, il aligna une véritable frise de portraits au burin, constituant autant d’histoires de vie en raccourci saisissant, à l’observation de ses compagnons de captivité, où la lucidité se mêlait néanmoins à la tendresse. Sa rigueur, en outre, était une manière de préserver sa dignité dans les circonstances souvent dégradantes des camps.
«Ici on se tient mal», relève-t-il, pour se recommander à lui- même: «Bien se tenir. Forte valeur de ces mots: une solide possession de soi par soi. L’homme saisi, serré, dressé — par lui- même.»
Pour «se tenir», le prisonnier Hyvernaud s’efforce de rester à tout instant poreux, sensible au détail vivant capté dans son entourage et à la substance revigorante de ses lectures dont il établit ici et là la liste, de Montaigne à de Rougemont ou de Virginia Woolf à Hemingway.
Très bien introduits par Jean José Marchand et par la veuve de cet auteur toujours injustement méconnu (La peau et les os est un livre remarquable), ces Carnets d’oflag sont marqués au sceau du vrai.
Pascal Ferret
Georges Hyvernaud. Carnets d’oflag. Le Dilettante, 250 pp.

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