Le Passe Muraille

La Tentation d’aimer

L’Échappée de René-Jean Clot

Le modèle

Allons, la journée sera bonne !
Le peintre peint une femme nue
La voici dépliant ses jambes
Jaillissant sur la toile sombre
Avec ses épaules de neige et ses seins.
A pas tremblants elle se dégage
Des dimensions du tableau
Et la voilà soudain vivante
Observant le peintre au travail
Maintenant elle coud un rideau
Elle met des roses dans un vase
Et soudain revient du marché
Brusquement elle fait la cuisine
Secoue un linge à la croisée
Puis elle vous embrasse la nuit
Les battements de son coeur
On les entend sur la palette
Par certains jours de beau temps.

***

L’odeur de la rose donne au silence
La charnelle douceur qui est la peau du temps
L’été pour elle est un destin
Qui embaume l’adieu

L’amour est une école buissonnière
Qui dure toute la vie. Sa place
Est marquée par le sang.

En elle toute douleur est imagination d’eau vive
Visage de vision, lumière venue des seins
Ou du front pâle, temple des os.
Chaque beauté pose une étoile

De vertige sur un visage nu.

Qui pleurait cette nuit ? Qui guettait mon réveil
Pour me prendre à témoin d’une vieille rancune
Qui me montre du doigt ne perdant pas ma trace
En prononçant mon nom dans la houillère des rues
Et se tait brusquement n’ayant plus de paroles ?
Quelle alliance rompue, quelle femme trahie
Quelle plainte avouée à la vue de mes traits ?
Ah ! Cette connivence de farouches muets
Me poursuivant de larmes, de reproches secrets !
Vous me croyez coupable et je suis innocent
Que vous ai-je donc fait pour faire naître en moi
Ce remords qui grandit dès que la nuit approche
Quel vice furieux, quelle semence de ronces
Ai-je semé un jour dans un jardin d’amour ?
Quel bras me saisit au détour d’un chemin
Pour punir une faute que je ne connais pas.

(Le Passe-Muraille, No 22, Décembre 1995)

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