Le Passe Muraille

Masr

 

De tes ministères antiques

De tes courbes de sable et tes angles de grès

De ta ferveur architecturale 

De tes tracés mélodiques et intransigeants

De ton génie de la pierre

Du granite et de l’or

De ton avant-garde administrative

De tes commandants visionnaires

De ta résistance historique

Aux saboteurs associés 

Aux profiteurs de coterie et briseurs de Pax Romana

De ton peuple fier et dévoué

De ton harmonie des gestes

De ton aura militaire ou de ta tendre anarchie

De tes eaux multiples et de tes villes à étages

De tes souterrains royaux et de tes toits familiaux

De tes berges de labeur et de paix

De tes lumières de champs et de corniches 

Des plongeons sauvages ou des embarcations amoureuses

De l’artisan inlassable ou du fellah silencieux

Des mains du kilim et du fer forgé

Du mécanicien paternel et des regards savants

Du boucher de quartier à l’humour soigné

De la voix chargée de Sha’bola et de la passion souriante de Hafez

Du nabatchi questionnant l’oud ou le synthétiseur

De tes airs clandestins et de tes chants-monuments

De la foi et l’humilité de tes athlètes

De tes petits et grands frères d’armes

De tes fontaines de village ou de tes marchés tentaculaires

Des pyramides de fruits et des maillots d’Al Ahly colorant la cité

De la douceur charnelle de tes mangues et de la richesse élémentaire de tes dattes

De l’union rituelle et généreuse 

De ta fève nationale en toutes occasions

De tes bonheurs de table et de brise-lames

De caresses de sole et de calmars frais

De la bamia nubienne et de l’agneau fondant

Du karkadé amical accompagnant l’Oum Ali

De ta tenue racée et d’une enfance entière

De tes uniformes de saison et de ton kamis ajusté

D’un bleu acier répondant au rouge-brun de la brique

De la terre et de la peau

De tes visages profonds 

De tes caprices et offrandes

De tes hasards et mystères de rue

De tout ce qui nourrit l’homme engagé

De tout ce qui fait l’homme inventif

De corps et d’esprit debout

D’écoute et d’endurance

Tu es le cœur multimillénaire

Le secret bien gardé

D’un monde moderne en perdition

Tu es l’espoir maternel des écorchés

Des idéalistes renvoyés

Ton nom seul est un argument d’autorité

Une déclaration 

Masr

(Poème inédit et image: Rorik Dupuis Valder)

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