L’Attente et le pillage
À propos du dernier livre de Francis Vladimir,
Le Retour d’Empédocle, suivi de Ciel pillé
par Fabrice PATAUT

Il est beaucoup question d’attente et de dévastation dans le dernier livre de Francis Vladimir. On saura gré à Bérénice Éditions Nouvelles d’avoir rassemblé deux textes précédemment publiés dans la revue Chemins de traverse : « Le retour d’Empédocle » et « Ciel pillé ». Le rassemblement est naturel : la parole d’Empédocle revenu intact des Enfers poursuit son chemin dans le deuxième texte, attentive à l’idée que les êtres vivants dans leur ensemble, parce que doués de raison, sont par là-même capables de se projeter dans le futur et de craindre l’échec. Bien qu’il ne soit explicitement question ici que de l’homme, de la femme et de l’enfant, il y a, tout au long des deux textes, un hommage continuel à la nature, laquelle cache bien sûr des animaux puisque Vladimir prend soin de n’en rien dire. Les astres, dont notoirement la lune et le soleil, sont plutôt ses interlocuteurs privilégiés. La prose poétique de Vladimir se nourrit volontiers de nuages, de nébulosités, d’étoiles, d’orages et de lignes d’horizon, locataires attitrés du « toit du monde ». Et puisque le ciel n’est rien de moins que le « vestibule des mots », c’est la tête haute et relevée que nous recueillons ici une parole dense et cérémoniale — liturgique si jamais il devait y avoir un culte officiel du dénuement et du mot légitime.

La peur, le vide, le feu et jusqu’aux « vapeurs d’incendie », le couvercle du ciel, aussi : rien n’est trop fait pour nous rassurer. L’intranquilité n’est jamais loin, le mystère dont il est beaucoup question dans ces pages souvent porteur de vide. Le pessimisme à la Vladimir n’est pourtant ni défaitiste ni fataliste. Le ciel, « monstre repu », nous montre la voie, et nous resterons redevable à l’auteur d’avoir tracé les contours et les bas-côtés de la voie difficile et patiente qu’il a choisi pour décrire au plus près son travail de poète et de récitant. « Le mot juste est resté introuvable », nous confie-t-il dans le deuxième texte. Je prends cela avec la plus grande précaution. Soyez au contraire attentifs à ceux que Vladimir a choisi et pesé ici avec une patience pleine de délicatesse.
Francis Vladimir, Le retour d’Empédocle, suivi de Ciel pillé, récits poétiques, Bérénice Éditions Nouvelles, 2025.