Sur la route de nos fugues et déroutes
Grégory Rateau
(Extrait d’un long poème)
Ça coulisse jusqu’à ta planque aux auréoles d’écume
toutes mitées oubliées là au fond du placard
entre un trench et de vieilles cravates
le cuir tanné par toute cette poisse
d’où cette odeur intacte
avec comme un arrière-goût du lointain
de nos fugues d’autrefois :
l’odeur retrouvée de la tourbe
pour relancer la cheminée
les marins alignés
une pinte dans chaque main
avec leurs filets roulés aux pieds
seconde peau de nègre qui s’ignore
mais attention
ce n’est pas par le mot que le bât blesse
là n’est plus sa vocation : écrire pour les autres
en bon outsider habitant des ruelles tristes et tirant parfois
jusqu’aux pavillons bleus Velvet
en quête des amours libres
et ses déserts intérieurs
jusqu’à leurs chutes encore toutes fraîches
des labyrinthes avec écrit partout :
NO EXIT
que vous le croyiez ou non
cela n’a plus aucune importance
car à quarante ans tu te glisses encore sur mes épaules lâches
sur mon début de petite mort viscérale
toujours tu en imposes
avec en gros plan
la dernière Légende en technicolor
ivre d’or pur
cette mélancolie qui ne s’invente pas
et ne guérit pas non plus
même avec des millions de followers
un gilet pare balle ou la combinaison rêvée en somme
pour affronter ce siècle de lamento
en gardant la tête haute
pour slalomer entre les mollards
et se prémunir des fake news
des slogans dévitalisés
tous les Jack en ligne droite
depuis les bas-fonds jusqu’aux routes des pouces levés
direction : Paris-Texas
je t’ai usé sous des parasols transparents
avant que tous ne migrent dans des bunkers
pour mieux faire face à nos furies de lumière
même les pierres te rebondissaient dessus
pour atterrir sur d’autres hémisphères
je ne veux plus me battre
les jambes croisées
la rue se vide d’elle-même
jusqu’au prochain cycle
sa salve de figurants
G.R.
Peintures: Bob Dylan. Portrait de Jack Kerouac: Fabrizio Cassetta.